Le caviar, trésor de Madagascar

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Le lac Mantasoa (20 km²), à 1 400 m d’altitude sur les hauts plateaux malgaches, semble être un site parfait pour l’élevage d’esturgeons. La température de l’eau est assez stable tout au long de l’année. Après plusieurs études de faisabilité, les faiseurs de rêve ont alors créé une ferme piscicole sur mesure sur ce lac, notamment à Ambatoloana.

Ce projet louable emploie aujourd’hui environ 300 personnes et contribue au développement économique de Mantasoa et d’Ambatoloana, construisant routes et puits, réalisant gestion des déchets, formation sur l’environnement et rempoissonnement du lac.

Personne ne croyait à leur projet. Trois Français ont pourtant réussi à créer, sur la Grande Île, l’une des très rares fermes d’esturgeons de l’hémisphère Sud. Un projet d’ampleur, très qualitatif, qui voit même renaître l’introuvable caviar iranien qu’on croyait disparu.

En quittant Antananarivo, la bouillonnante capitale de l’île, la route serpente rapidement à travers des paysages chimériques, où le rouge profond des sols de latérite s’unit aux verts éclatants et irréels des rizières qui scandent le creux des vallées. La beauté de Madagascar enivre au premier regard. Les 60 km à effectuer ne prennent ce jour-là que deux heures car la route a été récemment refaite. Cela ne durera pas car la saison des pluies la burinera bientôt de nouveau. Des forêts de pins et d’eucalyptus accompagnent les derniers kilomètres qui permettent de gagner les hauteurs. Isolé et majestueux, le lac de Mantasoa se dévoile enfin.

C’est ici que Delphyne et Christophe Dabezies ainsi que leur associé Alexandre Guerrier ont décidé de donner corps à leur projet fou. Rien ne les prédestinait pourtant à devenir les premiers producteurs de caviar d’Afrique et de l’océan Indien. Leur histoire est en effet intimement liée au textile, eux qui se sont rencontrés sur les bancs de l’ESIV, l’Ecole supérieure des industries du vêtement, à Paris.

UN ENVIRONNEMENT IDEAL POUR L’ESTURGEON SUR UN LAC D’ALTITUDE

Perché à 1400 mètres d’altitude à une soixantaine de kilomètres à l’est de Tananarive, il s’étend sur une surface de plus de 2000 hectares en dominant notamment le village d’Ambataloana situé quinze kilomètres en aval. Alimenté uniquement par les eaux de pluie, loin de toute pollution ou d’industrie, le lac Mantasoa offre ainsi une eau fraiche d’une extrême pureté. Un écrin vierge naturellement, parfaitement adapté à l’élevage de l’esturgeon

Bien loin de leur froide Russie natale, les esturgeons y ont trouvé une terre d’accueil inattendue. L’eau est entre 13 et 20°C toute l’année, il l’adore. Six espèces importées de Russie, 350 tonnes de poisson, les nourrir coutent 55 000 euros par mois. « Souvent, on ne comprend pas pourquoi le caviar est très cher. Par exemple, chez nous, le baeri va être nourri pendant 8 ans. Un béluga va être nourri pendant 20 ans, 25 ans ou 30 ans », explique Delphyne Dabeziez. Leur caviar vaut jusqu’à 2 900 euros le kilo.

Connue pour la qualité de sa vanille et son cacao, Madagascar ambitionne désormais de briller dans une autre filière, celle du caviar. Une initiative portée en premier lieu par l’entreprise Rova Caviar Madagascar, qui gère l’exploitation piscicole Acipenser, située à 60 kilomètres au nord de la capitale malgache Antananarivo. Perchée à 1 400 mètres d’altitude, au bord du lac artificiel de Mantasoa, la ferme acipenséricole- dont le nom renvoie aux esturgeons- est aujourd’hui l’une des deux seules à produire du caviar dans tout l’hémisphère Sud, avec celle de Baygorria, en Uruguay, la quasi-totalité de la production mondiale (300 tonnes annuelles) étant réalisée par la Chine, l’Italie, la Russie et l’Iran.

Les poissons sont forcément bichonnés. Plusieurs fois par an, ils sortent de l’eau le temps d’une échographie. Le matériel est le même que pour les humains. L’étape suivante de la production se déroule à quelques kilomètres du lac où tout est millimétré. Plus de 3 kilos sur les gros poissons. La chaire est revendue à un prix spécial aux populations locales. Les œufs sont ensuite minutieusement inspectés, tout doit être parfait. Les grains blancs sont enlevés. Vient ensuite le salage crucial. Les doses sont tenues secrètes. Elles déterminent le goût du produit. Avant l’affinage, le caviar de chaque poisson doit passer l’épreuve du goûteur.

Rova Caviar Madagascar a pour but d’intégrer le plus verticalement sa ferme pour vous garantir une maîtrise totale de sa qualité.

Dans ce pays qui compte énormément de travailleurs pauvres, cet élevage était une opportunité unique. « Après l’école, j’avais dû partir à la capitale pour trouver un boulot parce qu’il n’y en a beaucoup ici sauf un peu d’agriculture. Grâce au caviar, j’ai pu retourner vivre dans mon village auprès de ma famille », se confie Georges Randrianjatovo, goûteur à Madagascar.

Aucune hormone de croissance n’est utilisée pour faire grandir les esturgeons plus rapidement et il n’y a aucune importation de poissons adultes au sein de la pisciculture Acipenser car ils seraient susceptibles de ramener des maladies. Aussi, aucune espèce hybride n’est utilisée mais seulement des espèces pures ; c’est-à-dire qu’aucune reproduction non naturelle n’est effectuée.